La Recherche d'Emploi : Arrêtons de Regarder le Doigt et Analysons ce qu'il Montre
Admin Hyphen

J'ai marché des deux côtés de cette ligne invisible. Celle qui sépare ceux qui accompagnent les demandeurs d'emploi de ceux qui le sont. Et cette double casquette m'a offert une lucidité douloureuse : nous vivons dans un système qui préfère accuser les individus plutôt que de regarder ses propres dysfonctionnements.
La Légitimité d'un Désir Simple
Chercher un emploi, ce n'est pas seulement chercher un salaire. C'est chercher du sens, de la reconnaissance, une rémunération juste. Est-ce un crime ? Non. C'est une normalité. Une normalité que notre société a transformé en privilège inaccessible, tout en culpabilisant ceux qui osent encore y aspirer.
La pression commence de l'intérieur. Cette voix qui vous dit que vous n'êtes pas assez, pas au bon endroit, pas au bon moment. Puis vient la pression externe, celle de la société qui vous regarde comme si ne pas travailler était un choix, une paresse, presque une faute morale.
L'Amnésie Collective des "Bien Installés"
C'est fascinant comme certaines personnes oublient leur propre parcours. Celles qui travaillent au même endroit depuis 20 ou 30 ans, qui ont bénéficié d'un coup de pouce de tonton Gérard, contre-maître à l'époque, ou de tata Jeannine, secrétaire de direction bien placée. Je ne remets pas en cause leur travail, leur mérite, leur progression. Mais je questionne leur amnésie.
Combien sont-ils à juger la situation des demandeurs d'emploi d'aujourd'hui avec une vision complètement erronée du passé ? Combien travaillent dans des secteurs stables, épargnés par les crises, et n'imaginent même pas ce qu'est devenu le marché de l'emploi ? Ils sont sortis de la recherche d'emploi depuis si longtemps qu'ils ne connaissent plus la réalité. Pourtant, ce sont souvent eux qui ont les discours les plus tranchants.
La Dualité Absurde
Notre pays vit une contradiction folle. D'un côté, des milliers de demandeurs d'emploi qui ne demandent qu'à travailler. De l'autre, un marché qui ne correspond pas à leurs profils. La solution proposée ? "Formez-vous !"
Creusons cette réflexion. Il serait donc normal, pour la majorité des salariés et fonctionnaires bien installés, de considérer que si les demandeurs d'emploi ne trouvent pas, c'est leur faute. Qu'ils n'ont qu'à se former dans les secteurs en pénurie.
Mais attendez. Est-ce normal de demander à quelqu'un qui a fait de longues études, qui s'est investi en heures, en stages, en mémoires, de tout recommencer dans un secteur qu'il n'a pas choisi ? Simplement parce que ce secteur est en pénurie ?
À partir de quand l'individu ne s'appartient-il plus au point d'être défini uniquement par des politiques de gestion économique et des réductions budgétaires ?
Les "Assistés" Qui ont Cotisé Toute leur Vie
Parlons de ces personnes qui ont perdu leur emploi suite à un burn-out, une dépression, un cancer, des maladies chroniques. Ces personnes que certains regardent avec mépris, les considérant comme des "assistés" qui profitent du système.
Ces personnes ont travaillé. Pendant des années. Elles ont cotisé. Elles ont contribué. Et maintenant qu'elles ont besoin de soutien, on leur demande d'accepter le premier boulot venu, peu importe s'il correspond à leurs capacités actuelles, à leur état de santé, à leur parcours.
N'ont-elles pas le droit d'être soutenues et accompagnées plutôt que jetées en pâture à un système qui les broie ?
Les Vraies Questions Que Personne Ne Veut Poser
Les métiers en pénurie le sont-ils vraiment par manque de main-d'œuvre ? Ou parce qu'on ne cherche pas au bon endroit, qu'on n'offre pas les bonnes conditions, qu'on ne valorise pas ces métiers ?
Les demandeurs d'emploi sont-ils les "coupables" ? Ou est-ce tout le système qui est à revoir ?
Ne serait-il pas temps d'arrêter d'accuser l'intelligence artificielle, la mondialisation, ou tout autre bouc émissaire de la perte d'emplois ? Ne devrions-nous pas plutôt regarder combien les actionnaires mangent du côté des employeurs, comment les profits sont redistribués, comment les décisions sont prises ?
Le Manque Criant d'Empathie
Beaucoup jugent, critiquent, sans savoir, sans connaître. Uniquement sur la base de ce qu'on leur raconte, de préjugés, d'idées reçues. J'aimerais tellement plus d'empathie dans ce monde. Plus d'écoute. Plus de bienveillance.
Les employeurs cherchent et ne trouvent pas. Les travailleurs, actifs ou non, ne se reconnaissent plus dans les institutions et ne comprennent plus comment fonctionne le marché du travail. Nous nous perdons tous dans des problèmes qui n'en sont pas, pour éviter de regarder les vérités en face.
Les Questions Fondamentales
Pourquoi y a-t-il du chômage ?
Pourquoi y a-t-il autant de personnes malades, en burn-out, en dépression ?
Pourquoi n'arrivons-nous pas à développer un marché du travail équilibré comme dans certains pays du Nord ?
Pourquoi l'enseignement est-il sacrifié, qu'il soit général, technique ou professionnel ?
Ces questions, nous les évitons. Parce que les réponses impliqueraient de remettre en question tout un système. Parce qu'il est plus facile d'accuser les individus que de regarder les structures.
Il est Temps de Faire Autrement
Les politiques d'austérité ne font que creuser un trou béant. Elles réduisent les budgets là où il faudrait investir : dans l'accompagnement, dans la formation adaptée, dans la création d'emplois de qualité, dans le soutien aux personnes fragilisées.
Des solutions existent. Elles demandent du courage politique, de la vision à long terme, de l'empathie systémique. Elles demandent qu'on arrête de considérer le travail comme une simple variable d'ajustement économique et qu'on le replace au cœur de ce qu'il devrait être : un moyen de s'épanouir, de contribuer à la société, de vivre dignement.
Il est temps de faire une pause, d'observer, et de suivre un nouveau chemin. Un chemin où les demandeurs d'emploi ne sont plus des coupables à rééduquer, mais des personnes à accompagner avec respect. Un chemin où le marché du travail sert les humains, et non l'inverse.
Arrêtons de Regarder le Doigt
Quand quelqu'un pointe un problème, nous avons deux choix : regarder son doigt et le critiquer, ou regarder ce qu'il montre et agir.
Il est temps que nous regardions enfin ce que montrent les demandeurs d'emploi : un système à bout de souffle, qui a besoin d'être profondément repensé. Pour eux, pour nous, pour tous ceux qui viendront après.
Parce qu'au final, nous sommes tous à un licenciement, une maladie, une fermeture d'entreprise de devenir, nous aussi, ces "assistés" que certains méprisent tant.
Et ce jour-là, nous comprendrons.